mercredi 14 octobre 2009

Femmes qui courent avec les loups / 3

(...)

En outre, trop de femmes ont fait un terrible voeu, des années auparavant. Etant jeunes, elles ont été privées d'encouragement et de soutien et, tristes et résignées, ont donc posé leur stylo, abandonné leurs pinceaux, cessé de chanter en jurant de ne plus y toucher. Celles qui ont agi ainsi se sont réduites en cendres, sans le savoir, avec leur vie cousue main.

Les complexes peuvent faire très mal et réussir, temporairement du moins, à ce que la femme ne parvienne pas totalement à accomplir l'oeuvre ou à mener la vie souhaitée, et à l'anéantir dans les flammes de sa haine à l'égard d'elle-même. Ainsi de nombreuses années vont-elles se passer à ne pas bouger, ne pas apprendre, ne pas obtenir, ne pas trouver, ne pas engager, ne pas devenir.

Parfois, c'est la jalousie ou la volonté de destruction d'une autre personne à son encontre qui va détruire la vie qu'envisage cette femme. La famille, les professeurs, les mentors ne sont pas censés se montrer destructeurs s'il leur arrive d'éprouver de l'envie et pourtant cela se produit, avec plus ou moins de subtilité. Aucune femme ne peut se permettre de laisser sa vie créatrice suspendue à un fil au cours de sa relation avec un amant, un parent, un professeur, un ou une amie.

Quand sa vie créatrice est ainsi réduite en cendres, la femme perd son trésor vital et commence à se comporter de manière aussi infertile que la Mort. Mais dans son inconscient, le désir des souliers rouges (conte : Les souliers rouges cousus main), de la joie sauvage, est toujours là ; il croît, même, avant d'émerger, avec un appétit féroce.

Quand on est dans un état de Hambre del Alma (la faim de l'âme), quand on est une âme privée de nourriture, la faim est omniprésente. La femme est affamée de tout ce qui va lui permettre de se sentir de nouveau vivante. Après avoir été capturée, elle va prendre tout ce qui lui paraît ressembler au trésor originel, que ce soit ou non bon pour elle. Même si en apparence elle est parfaitement lisse, à l'intérieur, elle n'est que mains qui se tendent et bouche affamée.

Elle va donc prendre toutes les nourritures qui se présentent, car elle tente de compenser des manques du passé. Même si c'est là une situation catastrophique, le Soi sauvage tente sans fin de nous sauver. Il chuchote, gémit dans nos rêves nocturnes jusqu'à ce que nous ayons conscience de notre condition et prenions les premières mesures pour récupérer le trésor.

(...)

Clarissa Pinkola Estés,
Femmes qui courent avec les loups,
Ed. Grasset, 1996, p.212


7 commentaires:

  1. *** Bonsoir Françoise ! ***

    Très beau texte à méditer et j'aime beaucoup la photo de Laetitia Casta dans "La Jeune fille et les loups"...

    *** MERCI ET GROS BISOUS A TOI FRANÇOISE ***

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  2. Bonjour, Françoise.
    Oui, le texte...Ilest beau.
    Mais l'image aussi belle.
    Un livre de chevet pour toi, n'est-ce pas ?
    Bonne journée.
    Je t'embrasse.

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  3. Vraiment un très beau texte ..
    Bonne fin de journée Françoise ..
    Bisous ensoleillés ..

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  4. Ce texte me touche particulièrement... J'ai l'impression qu'il a été écrit pour moi...
    J'ai brisé les chaînes qui m'entravaient au fond de l'eau, dans un dernier sursaut, juste avant de me noyer à tout jamais...
    C'était il y a 10 ans..... Et maintenant je crée .... Je vis... J'aime....Je m'aime...

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  5. Et ce n'est qu'un extrait. Tout le livre est passionnant !

    Bonne soirée à vous, bon week-end, et gros bisous !

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  6. Je suis affamée!!!(sourire)

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Laissez moi des petits mots,
j'aime tant les lire... :-)

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FEMMES ET HOMMES

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents,
Ne vous laissez pas attacher,
ne permettez pas qu'on fasse sur vous des rêves impossibles...
On est en Amour avec vous tant que vous correspondez au rêve que l'on a fait sur vous,
alors le fleuve Amour coule tranquille,
les jours sont heureux sous les marronniers mauves,
Mais s'il vous arrive de ne plus être ce personnage qui marchait dans le rêve,
alors soufflent les vents contraires,
le bateau tangue, la voile se déchire,
on met les canots à la mer,
les mots d'Amour deviennent des mots-couteaux qu'on vous enfonce dans le coeur.
La personne qui hier vous chérissait vous hait aujourd'hui;
La personne qui avait une si belle oreille pour vous écouter pleurer et rire
ne peut plus supporter le son de votre voix.
Plus rien n'est négociable
On a jeté votre valise par la fenêtre,
Il pleut et vous remontez la rue dans votre pardessus noir,
Est-ce aimer que de vouloir que l'autre quitte sa propre route et son propre voyage?
Est-ce aimer que d'enfermer l'autre dans la prison de son propre rêve?

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
ne vous laissez pas rêver par quelqu'un d'autre que vous même
Chacun a son chemin qu'il est seul parfois à comprendre.
Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent,
Si nous pouvions être d'abord toutes et tous et avant tout et premièrement des amants de la vie,
alors nous ne serions plus ces éternels questionneurs,
Ces éternels mendiants qui perdent tant d'énergie
et tant de temps à attendre des autres des signes,
des baisers, de la reconnaissance
Si nous étions avant tout et premièrement des amants de la vie,
Tout nous serait cadeau
Nous ne serions jamais déçus
On ne peut se permettre de rêver que sur soi-même
Moi seul connais le chemin qui conduit au bout de mon chemin
Chacun est dans sa vie
et dans sa peau...
A chacun sa texture
son message et ses mots

Julos Beaucarne