lundi 31 mars 2008

Etre vivant

Bon début de semaine à vous tous, et de gros bisous.
Je n'ai pas le temps de passer chez vous ce matin, mais ce sera pour un peu plus tard dans la journée.
Je vous laisse une citation de Christian Bobin et une superbe peinture de Alfred Gockel :

Etre vivant, c'est être vu, entrer dans la lumière d'un regard aimant.
Christian Bobin


Peinture : Alfred Gockel

vendredi 28 mars 2008

Bon week-end

Bon week-end à vous ! Passez deux belles journées. Reposez vous, aérez vous, baladez vous, bref... faites vous plaisir !
Je ne serai pas bien loin, mais je vous laisse néanmoins en charmante compagnie : le minaron de Ben & Aurel... Il me fait trop rire sur la première photo, on dirait qu'il sourit...


Conquérir l'amitié d'un chat est chose difficile. C'est une bête philosophique, rangée, tranquille, tenant à ses habitudes, amie de l'ordre et de la propreté, et qui ne place pas ses affections à l'étourderie ; il veut bien être votre ami, si vous en êtes digne, mais non pas votre esclave. Dans sa tendresse, il garde son libre arbitre, et il ne fera pas pour vous ce qu'il juge déraisonnable ; mais une fois qu'il s'est donné à vous, quelle confiance absolue, quelle fidélité d'affection !

Il se fait le compagnon de vos heures de solitude, de mélancolie et de travail. Il reste des soirées entières sur votre genou, filant son rouet, heureux d'être avec vous et délaissant la compagnie des animaux de son espère. En vain, des miaulements retentissent sur le toit, l'appelant à une de ces soirées de chat où le thé est remplacé par du jus de hareng saut, il ne se laisse pas tenter et prolonge avec vous sa veillée. Si vous le posez à terre, il regrimpe bien vite à sa place avec une sorte de roucoulement qui est comme un doux reproche. Quelquefois, posé devant vous, il vous regarde avec des yeux si fondus, si moelleux, si caressants et si humains, qu'on est presque effrayé ; car il est impossible de supposer que la pensée en soit absente.


Théophile Gautier, Ménagerie intime

Néfertiti

Néfertiti, reine égyptienne, faite en terre par mes soins, ou par mes mains, devrais-je dire...
J'ai mis d'autres photos sur mon blog photos, si vous voulez aller les voir, c'est ici ---> uninstantunephoto

jeudi 27 mars 2008

L'amour est un cadeau

L'amour est un cadeau qu'il vous faut être prêt à accueillir, sinon vous ne pouvez l'apprécier à sa juste valeur et vous risquez alors de le laisser s'enfuir.
Catherine Bensaïd

Mon coeur

Peinture : John William Waterhouse

Mon coeur, tremblant des lendemains,
Est comme un oiseau dans tes mains
Qui s'effarouche et qui frissonne.

Il est si timide qu'il faut
Ne lui parler que pas trop haut
Pour que sans crainte il s'abandonne.

Un mot suffit à le navrer,
Un regard en lui fait vibrer
Une inexprimable amertume.

Et ton haleine seulement,
Quand tu lui parles doucement,
Le fait trembler comme une plume.

Il t'environne ; il est partout.
Il voltige autour de ton cou,
Il palpite autour de ta robe,

Mais si furtif, si passager,
Et si subtil et si léger,
Qu'à toute atteinte il se dérobe.

Et quand tu le ferais souffrir
Jusqu'à saigner, jusqu'à mourir,
Tu pourrais en garder le doute,

Et de sa peine ne savoir
Qu'une larme tombée un soir
Sur ton gant taché d'une goutte.

Albert Samain (1858-1900)
(Recueil : Au jardin de l'infante)

mercredi 26 mars 2008

I'll Take Care Of You


Mark Lanegan - I'll Take Care Of You (live)

Chanson douce avant d'aller au lit... J'adore la voix de Mark Lanegan.

mardi 25 mars 2008

L'optimisme

Je viens d'être "taguée" par une blogueuse nommée Pivoine et j'ai pour mission de parler de l'optimisme...

Le règlement:
Je dois :
- Recopier le début du texte, «L'optimisme c'est....»

- ajouter 3 nouvelles fins de phrases (inventées ou trouvées),
- recopier les règles,
- désigner 5 « volontaires » pour prendre la suite (et les prévenir sur leur blog si nécessaire)...

Si elles sont d'accord, car je ne tague que des dames cette fois (ne m'en veuillez pas, messieurs...), je "tague" à mon tour Lysounette, Barbara, Mathilde, Loula et Tigwenn. Je vous rappelle que rien n'est obligatoire, vous le faites uniquement si le coeur vous le dit.

Alors, moi, pour vous parler de l'optimisme, je vais faire appel à quelques citations... (pourquoi ! ça vous étonne ?...)

- L'optimisme, c'est voir la vie à travers un rayon de soleil. (Carmen Sylva)

- L'optimisme est un ersatz de l'espérance, qu'on peut rencontrer facilement partout, et même au fond de la bouteille. (Georges Bernanos)

- Une personne optimiste ne refuse pas de voir le côté négatif des choses ; elle refuse de s'attarder dessus. (Alexander Lockhart)

Voilà. Mission accomplie, Pivoine !

lundi 24 mars 2008

Parole de femmes

Tout ce qui m’a étonnée dans mon âge tendre m’étonne aujourd’hui bien davantage. L’heure de la fin des découvertes ne sonne jamais. Le monde m’est nouveau à mon réveil chaque matin et je ne cesserai d’éclore que pour cesser de vivre.
Colette - Paroles de femmes

vendredi 21 mars 2008

jeudi 20 mars 2008

Veiller tard

free music


Les lueurs immobiles d'un jour qui s'achève
La plainte douloureuse d'un chien qui aboie
Le silence inquiétant qui précède les rêves
Quand le monde disparu l'on est face à soi
Les frissons où l'amour et l'automne s'emmêlent
Le noir où s'engloutissent notre foi nos lois
Cette inquiétude sourde qui coule en nos veines
Qui nous saisit même après les plus grandes joies
Ces visages oubliés qui reviennent à la charge
Ces étreintes qu'en rêve on peut vivre cent fois
Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines
Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard
Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines
Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard
Ces paroles enfermées que l'on n'a pas su dire
Ces regards insistants que l'on n'a pas compris
Ces appels évidents ces lueurs tardives
Ces morsures aux regrets qui se livrent à la nuit
Ces solitudes dignes au milieu des silences
Ces larmes si paisibles qui coulent inexpliquées
Ces ambitions passées mais auxquelles on repense
Comme un vieux coffre plein de vieux jouets cassés
Ces liens que l'on sécrète et qui joignent les êtres
Ces désirs évadés qui nous feront aimer
Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines
Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard
Ces raisons-là qui font que nos raisons sont vaines
Ces choses au fond de nous qui nous font veiller tard

Jean-Jacques Goldman

mercredi 19 mars 2008

Pour comprendre l'autre

Pour comprendre l'autre, il ne faut pas se l'annexer mais devenir son hôte.
Louis Massignon

mardi 18 mars 2008

La Poésie

Et ce fut à cet âge... La poésie
vient me chercher. Je ne sais pas, je ne sais d'où
elle surgit, de l'hiver ou du fleuve.
Je ne sais ni comment ni quand,
non, ce n'étaient pas des voix, ce n'étaient pas
des mots, ni le silence :
d'une rue elle me hélait,
des branches de la nuit,
soudain parmi les autres,
parmi des feux violents
ou dans le retour solitaire,
sans visage elle était là
et me touchait.

Je ne savais que dire, ma bouche
ne savait pas
nommer,
mes yeux étaient aveugles,
et quelque chose cognait dans mon âme,
fièvre ou ailes perdues,
je me formai seul peu à peu,
déchiffrant
cette brûlure,
et j'écrivis la première ligne confuse,
confuse, sans corps, pure
ânerie,
pur savoir
de celui-là qui ne sait rien,
et je vis tout à coup
le ciel
égrené
et ouvert,
des planètes,
des plantations vibrantes,
l'ombre perforée,
criblée
de flèches, de feu et de fleurs,
la nuit qui roule et qui écrase, l'univers.

Et moi, infime créature,
grisé par le grand vide
constellé,
à l'instar, à l'image
du mystère,
je me sentis pure partie
de l'abîme,
je roulai avec les étoiles
mon coeur se dénoua dans le vent.

Pablo Neruda
Seghers, Paris, 2004, Poètes d'aujourd'hui, p. 239

lundi 17 mars 2008

Que reste-t-il de nos amours ?


Francoise Hardy et Alain Bashung

Le bon usage de la lenteur

(...) La lenteur n'est pas la marque d'un esprit dépourvu d'agilité ou d'un tempérament flegmatique. Elle peut signifier que chacune de nos actions importe, que nous ne devons pas l'entreprendre à la hâte avec le souci de nous en débarasser. Mais quoi, une vie n'est-elle pas, dans son immense part, composée de tâches insignifiantes ? Christian Bobin nous avertit du contraire - et si nous lui donnons raison, nous aurons à vivre autrement : " Il faudrait accomplir toutes choses et même et surtout les plus ordinaires, ouvrir une porte, écrire une lettre, tendre une main, avec le plus grand soin et l'attention la plus vive, comme si le sort du monde et le cours des étoiles en dépendaient et d'ailleurs il est vrai que le sort du monde et le cours des étoiles en dépendant. " A la vérité, nous nous engageons plus que nous ne le pensons dans le cours ordinaire de nos actions : ouvrir une porte nous permet de passer du dehors au dedans, d'une pièce à une autre pièce, et de nous laisser saisir par d'autres cieux. Quand j'ouvre les volets, si ma maison en est pourvue, j'accepte que le monde vienne à moi, je lui adresse un signe d'amitié, je l'assure que nous ferons un bout de chemin ensemble, que nous chercherons à ne pas nous montrer déplaisant l'un à l'égard de l'autre. Si je prête ma main distraitement, c'est parce que je me plie à une vague et noble forme de politesse et qu'autrui existe à peine à mes yeux. (...)

Pierre Sansot
Du bon usage de la lenteur, Éd. Payot & Rivages, 1998, p. 97

samedi 15 mars 2008

Bon week-end

Passez tous un très bon week-end.
Pour moi, il s'annonce bien, mes jeunes bisontins sont à la maison ces deux jours. Gros bisous.

A la chatte grise qui sans rien dire à personne
S'est trouvée un jour pleine la très douce outre duveteuse
Puis après soixante jours a mis bas en ronronnant
Deux tigrés et deux noir et blanc
Qui se collent à ses tétines roses
Et boivent en fermant les yeux et pétrissant ses poils
La source de toute vie qui nourrit toutes les bouches
Je demande protection...

Claude Roy - A la lisière du temps

jeudi 13 mars 2008

If I could be where you are...

Une chanson douce et tendre avant d'aller dormir, et de jolies photos.
Bonne nuit à vous, faites de beaux rêves.


Enya - If I could be where you are...

Ou bien... bonne journée ! Bisous.

mercredi 12 mars 2008

Les maisons sont comme les gens

Les maisons sont comme les gens, elles ont leur âge, leurs fatigues, leurs folies. Ou plutôt non : ce sont les gens qui sont comme des maisons, avec leur cave, leur grenier, leurs murs et, parfois, de si claires fenêtres donnant sur de si beaux jardins.
Christian bobin

mardi 11 mars 2008

De tes rêves à mes rêves

Chanson un peu longue, mais tellement belle...
Ecoutez la, lisez la...

free music

On a parcouru le chemin
De tes rêves à mes rêves
Tes doigts à mes seins
De ta bouche à mes lèvres
De la guerre à la trêve
Combien d' fois, mon amour
Combien d'aller-retour
Entre la haine et l'amour

Chaque fois, la route et ses chaos
Et ses roches et ses trous
M'arrachaient à ta peau
Me rej'taient sur tes g'noux
Me tatouaient sur ta joue
Combien de grands voyages
Pour autant de naufrages
Sur ce même rivage

Jusqu'au jour où j'ai dit: "Va t'en !
J'ai plus rien à blesser
Qui soit vierge de coups
J' suis fatiguée des kilomètres
Qu'on franchit pour être
À un plus mauvais bout"
J'ai dit: "Prends ta voiture de fortune
Et roule tant qu' tu voudras
Va t'en donc promettre ta lune
À une autre que moi"

J' croyais pas qu' t'allais m'obéir
À la lettre comme ça
J' t'ai regardé partir
En mourant tout bas
Sur la véranda
Brisée à des endroits
Que j' me connaissais pas
Entre mon coeur et tes bras

Les étoiles qu' j'avais dans l' regard
Et qui semblaient te plaire
Sont venues s'échouer
Comme des étoiles de mer
Sur l'estran désert
Le coeur comme un souv'nir
Le corps comme un grenier
J'ai eu peur d' m'écrouler

Je sais pas d' quelle manière
Comme poussée par le vent
J' me suis mise à poursuivre, en courant
Le nuage de poussière
Qu' ta voiture de misère
Faisait tourbillonner en filant

Puis j'ai crié: "Attends-moi j'arrive !
Je peux pas vivre sans toi
Et si c'est pas une vie de te suivre
Et bien ce s'ra c' que ce s'ra

T'as encore, dans les mains
La petite cuillère
Qui m' ramassait si bien
Quand j' m'écrasais par terre
T'as encore, dans les mains
La petite caresse
Qui m' ferait, comme un chien
Haleter d'allégresse"
Ah, ah, ah, ah
Ah, ah, ah, ah

Mais, bien sûr, t'as rien entendu
Et ton nuage et toi
Vous avez disparu
Et je suis restée là
Comme un cheval de bois
Qui ne berce plus personne
Et que l'on abandonne
Que l'on met au rebus

Un jour que j' me croyais mieux
Que j'allais au village
Et que c'était pluvieux
À deux nuages d'un orage
À faire taire les oiseaux
À deux pas du resto
Et à trois du garage
À deux doigts d'oublier

Perdue dans mon imperméable
Et dans quelques pensées
Comme: "C'est drôle dans le sable
Toutes ces traces de souliers"
Comme: "J' sais pas c' que j' vais foutre
De ma longue soirée"
Juste à coté de moi
Ce parfum agréable
Ces cheveux familiers
C'était... c'était toi

Et l'orage éclata
En même temps que le morceau de chair
Qui me servait de coeur
Et le vent se leva
En même temps qu'un éclair
Nous fìt tous les deux trembler de peur

J'ai dit: "Si tu viens pour les étoiles
Elles sont tombées dans la boue
Si t'es là pour me voir, j' te signale
Qu' y'a plus rien à voir du tout"

T'as dis: "J'ai parcouru
Les chemins de mes rêves
À des rêves qui n'étaient pas les tiens
J' voulais juste que tu saches, mon amour
Que ces foutus parcours
Ont toujours été vains"
Ah, ah, ah
Ah, ah, ah, ah

Alors j'ai dit: "Puisque t'es là
Viens donc prendre un café
Si tu veux, tu jett'ras
Quelques bûches au foyer
Ça nous réchauffera
Le temps que l'orage passe
Et que le feu s'embrase
Comme autrefois !"

Et c'est là qu' t'as baissé les yeux
Que t'as dit: "J' pourrai pas
Car, tu vois, y a un voeu
Que j'ai fait là-bas
Elle te ressemble un peu
Celle à qui j'ai dit: "Oui"
Ce petit "Oui" précieux
Que je n' t'ai jamais dit"
T'as ajouté qu'aussi
Elle prend bien soin du p'tit
Et qu' t'es déjà trop vieux, aujourd'hui
Pour réparer l'erreur
La pire de ta vie
Qui est celle d'être parti d'ici

Tu t'es mis à g'noux dans la vase
Pour me d'mander pardon
Le tonnerre m'a volé ta phrase
Et tu t'es levé d'un bond

Et t'es parti, l'air malheureux
Le pantalon tout sale
Et, au coin de mes yeux
Y'avait comme... des étoiles

Linda Lemay

lundi 10 mars 2008

A l'heure où les ombres s'allongent

La vie ne recopie jamais. Il n'est pas deux printemps identiques. L'essentiel est d'avoir gardé vivante, à travers les frimas, la souche originelle d'où peuvent surgir de nouveaux bourgeons.
Raymond-Léopold Bruckberger

dimanche 9 mars 2008

La part de mystère

Et plus que tout, dit-il, j'aime la part de toi
que je ne comprends pas, l'ombre
qui cerne tes yeux, le silence qui s'engouffre
entre trois de tes mots, j'aime le secret
qui te porte et dont tu n'as pas la clé.


Il donne à tes lèvres le goût
d'un fruit d'enfance, il donne
à l'amour qui te fait encore défaut
la force d'une promesse
longue comme le jour.


Francis Dannemark
Une fraction d'éternité

vendredi 7 mars 2008

Only happy in the sun



Only happy in the sun, Ben Harper.

A écouter avant d'aller dormir, ou bien demain matin pour commencer la journée en douceur.

jeudi 6 mars 2008

Ton visage est le mot de la nuit étoilée

Ton visage est le mot de la nuit étoilée
Un ciel obscur s'ouvre lentement dans tes bras
Où le plaisir plus vain que la flamme argentée
Comme un astre brisé brille et tremble tout bas


Vivante, conduis-moi dans ce nocturne empire
Dont l'horizon mobile enferme notre amour.
Je touche un paysage ; il s'éclaire, il respire
Et prend quelque couleur sans attendre le jour.


Que de choses j'apprends au défaut de tes larmes
Sur le point de me perdre où tu m'as précédé,
Mais enfin je renonce à détourner tes armes.
Je reconnais un corps que je dois te céder.


Perdons-nous ! Parcourons cette courbe profonde
Que tes genoux légers ne me délivrent pas.
Que je sois seul au monde
Au moment de tes larmes.


Que la paix de l'amour commence sous nos pas.

Odilon-Jean Périer

mercredi 5 mars 2008

Câlinou du soir

L'art de la conversation

L'art de la conversation fait appel à deux belles qualités : il faut savoir entrer en contact avec autrui et comprendre son point de vue, à la fois communiquer et écouter. Un tel équilibre est rare, mais lorsqu'il est atteint, le charme opère.
Benjamin Disraeli

lundi 3 mars 2008

Les chats de hasard

Je ne connais rien de comparable au silence pensif des chats. Il emplit l'atmosphère d'une qualité très particulière. Pour peu que l'on veuille bien s'arrêter un moment pour être à l'unisson avec lui, ce silence devient contagieux. On le voit, lui, le chat, éveillé et ailleurs, son beau regard fixé devant lui. On s'assoit là, la main posée sur son dos. Le temps soudain suspendu, on se prend, l'oeil perdu dans le vague, à laisser errer son esprit, doucement. Puis, tout à coup, un blanc, une bulle de néant vous a saisi et vous ne savez plus combien de minutes vous êtes resté là, et où vos pensées sont allées divaguer sans contrôle. Puis on revient à la réalité, celle du temps compté, de l'ordre, du raisonnement, on s'éveille comme d'un petit voyage. Où était-on ? On ne saura pas dans quelle part de soi informulée, inconnue, le rêve du chat nous a entraîné...

Anny Duperey, Les Chats mots
Ed. Ramsay 2003, p. 192




Les amis inconnus

Il vous naît un poisson qui se met à tourner
Tout de suite au plus noir d'une lame profonde,
Il vous naît une étoile au-dessus de la tête,
Elle voudrait chanter mais ne peut faire mieux
Que ses sœurs de la nuit, les étoiles muettes.

Il vous naît un oiseau dans la force de l'âge
En plein vol, et cachant votre histoire en son cœur
Puisqu'il n'a que son cri d'oiseau pour la montrer,
Il vole sur les bois, se choisit une branche
Et s'y pose ; on dirait qu'elle est comme les autres.

Où courent-ils ainsi ces lièvres, ces belettes,
Il n'est pas de chasseur encore dans la contrée
Et quelle peur les hante et les fait se hâter,
L'écureuil qui devient feuille et bois dans sa fuite,
La biche et le chevreuil soudain déconcertés ?

Il vous naît un ami et voilà qu'il vous cherche,
Il ne connaîtra pas votre nom ni vos yeux,
Mais il faudra qu'il soit touché comme les autres
Et loge dans son cœur d'étranges battements
Qui lui viennent des jours qu'il n'aura pas vécus.

Et vous que faites-vous, ô visage troublé,
Par ces brusques passants, ces bêtes, ces oiseaux,
Vous qui vous demandez, vous, toujours sans nouvelles :
Si je croise jamais un des amis lointains
Au mal que je lui fis, vais-je le reconnaître ?

Pardon pour vous, pardon pour eux, pour le silence
Et les mots inconsidérés,
Pour les phrases venant de lèvres inconnues
Qui vous touchent de loin comme balles perdues,
Et pardon pour les fronts qui semblent oublieux.

Jules Supervielle

FEMMES ET HOMMES

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents,
Ne vous laissez pas attacher,
ne permettez pas qu'on fasse sur vous des rêves impossibles...
On est en Amour avec vous tant que vous correspondez au rêve que l'on a fait sur vous,
alors le fleuve Amour coule tranquille,
les jours sont heureux sous les marronniers mauves,
Mais s'il vous arrive de ne plus être ce personnage qui marchait dans le rêve,
alors soufflent les vents contraires,
le bateau tangue, la voile se déchire,
on met les canots à la mer,
les mots d'Amour deviennent des mots-couteaux qu'on vous enfonce dans le coeur.
La personne qui hier vous chérissait vous hait aujourd'hui;
La personne qui avait une si belle oreille pour vous écouter pleurer et rire
ne peut plus supporter le son de votre voix.
Plus rien n'est négociable
On a jeté votre valise par la fenêtre,
Il pleut et vous remontez la rue dans votre pardessus noir,
Est-ce aimer que de vouloir que l'autre quitte sa propre route et son propre voyage?
Est-ce aimer que d'enfermer l'autre dans la prison de son propre rêve?

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
ne vous laissez pas rêver par quelqu'un d'autre que vous même
Chacun a son chemin qu'il est seul parfois à comprendre.
Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent,
Si nous pouvions être d'abord toutes et tous et avant tout et premièrement des amants de la vie,
alors nous ne serions plus ces éternels questionneurs,
Ces éternels mendiants qui perdent tant d'énergie
et tant de temps à attendre des autres des signes,
des baisers, de la reconnaissance
Si nous étions avant tout et premièrement des amants de la vie,
Tout nous serait cadeau
Nous ne serions jamais déçus
On ne peut se permettre de rêver que sur soi-même
Moi seul connais le chemin qui conduit au bout de mon chemin
Chacun est dans sa vie
et dans sa peau...
A chacun sa texture
son message et ses mots

Julos Beaucarne