mercredi 14 mai 2008

Tu venais

Tu ne m'as pas fait souffrir
mais attendre.

En ces heures
brouissailleuses, remplies
de serpents,
lorsque
mon coeur sombrait et que je me noyais,
tu t'avançais,
tu venais nue, toute griffée,
tu arrivais en sang jusqu'à mon lit,

novia mia,
et nous marchions
toute la nuit
en dormant :
à notre réveil
tu étais intacte et nouvelle,
comme si le vent grave de nos rêves
avait rallumé
tes cheveux,
comme s'il avait plongé ton corps dans le blé
et dans l'argent pour le rendre à nouveau éblouissant.

Je n'ai pas souffert, mon amour,
tout simplement, je t'attendais.
Il te fallait changer de coeur
et de regard
depuis que tu avais touché cette profonde
zone de mer que ma poitrine te livrait.
Il te fallait sortir de l'eau
pure comme une goutte soulevée
par une vague dans la nuit.

Novia mia, il t'a fallu
mourir et naître, je t'attendais.
Te cherchant, je n'ai pas souffert,
je savais, oui, que tu viendrais,
une nouvelle femme avec ce que j'adore
de celle qui n'adorait pas,
avec tes yeux, tes mains, avec ta bouche
mais avec un coeur différent,
celle qui s'éveilla un jour auprès de moi
comme si elle s'y était trouvée depuis toujours
pour à jamais poursuivre à nous deux le chemin.

Pablo Neruda
Vingt poèmes d'amour,
Editions Gallimard, p. 223-225

9 commentaires:

  1. Merci de nous partager ce merveilleux poème d'amour, j'aime beaucoup.

    Bon jeudi et bisous de ta p'tite cousine du Québec.

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  2. Bonjour, Françoise.
    Un beau texte de Neruda...
    Il y a toujours, dans l'attente, l'espoir d'un renouveau qui nous porte à vivre et espérer.
    Bonne journée et merci
    Bisous pour toi.

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  3. Très joli poème! J'ai eu des frissons en le lisant :)
    Je te souhaite une belle journée!
    Gros bisous.

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  4. Bonjour Françoise! et merci d'être passée sur mon blog.
    Comme c'est étrange, le premier billet que j'ai lu chez Lyse était un poème de Neruda. Visiblement, tu partages avec elle, avec Herbert, avec moi-même et tant d'autres, l'amour de sa poésie, simple, dépouillée, sensible et directe.
    Un joli texte, que je relis avec toujours autant de plaisir.

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  5. Bonjour Françoise,

    Je te propose d'échanger Pablo contre Andrée (CHEDID) car ses mots d'amour ne sont pas mal non plus, lis plutôt ceci :

    Poursuite du coeur
    Au plus près de toi
    Voisinant avec l'arbre
    J'atteins l'éternité
    Du Coeur et de l'instant.
    A plus près de toi
    J'invente l'océan.
    Nos parcours sont des fleuves
    Qui suppriment le temps."

    Simple et beau n'est-ce-pas ?

    Bonne journée et bisous !

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  6. bonsoir Françoise.... j'entends le tonnerre, je vois les éclairs... gros orage au-dessus de chez nous...
    je vais essayer de retrouver ce poème de Neruda en espagnol...
    je vais arrêter l'ordinateur, because .... bises et à bientôt

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  7. * Cette nuit, j'ai entendu un homme chanter et j'ai su â la hauteur de son chant qu'il n'était pas guéri. Je ne connais pas plus grande détresse que le chant d'une joie imaginée. La désolation de cet homme est un poême qui appartient au monde...*

    Louise Warren : Poête et essayiste
    Québec

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  8. Merci à vous de vos commentaires, toujours aussi riches.

    Très beau le texte d'Andrée Chedid, Sconette, merci, et merci aussi à toi, Java, pour ces très belles lignes. Je vais aller faire un tour sur ton site, mais puis-je avoir le lien ?

    Loula, j'ai entendu à la radio ce matin qu'il y avait eu de très gros orages vers chez toi, tout va bien ?

    Passez une belle et douce journée. Bisous.

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  9. Je serai aussi très très interessé d'avoir le lien du site de Jaca

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Laissez moi des petits mots,
j'aime tant les lire... :-)

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FEMMES ET HOMMES

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents,
Ne vous laissez pas attacher,
ne permettez pas qu'on fasse sur vous des rêves impossibles...
On est en Amour avec vous tant que vous correspondez au rêve que l'on a fait sur vous,
alors le fleuve Amour coule tranquille,
les jours sont heureux sous les marronniers mauves,
Mais s'il vous arrive de ne plus être ce personnage qui marchait dans le rêve,
alors soufflent les vents contraires,
le bateau tangue, la voile se déchire,
on met les canots à la mer,
les mots d'Amour deviennent des mots-couteaux qu'on vous enfonce dans le coeur.
La personne qui hier vous chérissait vous hait aujourd'hui;
La personne qui avait une si belle oreille pour vous écouter pleurer et rire
ne peut plus supporter le son de votre voix.
Plus rien n'est négociable
On a jeté votre valise par la fenêtre,
Il pleut et vous remontez la rue dans votre pardessus noir,
Est-ce aimer que de vouloir que l'autre quitte sa propre route et son propre voyage?
Est-ce aimer que d'enfermer l'autre dans la prison de son propre rêve?

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
ne vous laissez pas rêver par quelqu'un d'autre que vous même
Chacun a son chemin qu'il est seul parfois à comprendre.
Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent,
Si nous pouvions être d'abord toutes et tous et avant tout et premièrement des amants de la vie,
alors nous ne serions plus ces éternels questionneurs,
Ces éternels mendiants qui perdent tant d'énergie
et tant de temps à attendre des autres des signes,
des baisers, de la reconnaissance
Si nous étions avant tout et premièrement des amants de la vie,
Tout nous serait cadeau
Nous ne serions jamais déçus
On ne peut se permettre de rêver que sur soi-même
Moi seul connais le chemin qui conduit au bout de mon chemin
Chacun est dans sa vie
et dans sa peau...
A chacun sa texture
son message et ses mots

Julos Beaucarne