lundi 15 septembre 2008

Cet amour

Cet amour
Si violent, si fragile
Si tendre, si désespéré
Cet amour
Beau comme le jour
Et mauvais comme le temps
Quand le temps est mauvais
Cet amour si vrai
Cet amour si beau
Si heureux, si joyeux
Et si dérisoire
Tremblant de peur comme un enfant dans le noir
Et si sûr de lui
Comme un homme tranquille au millieu de la nuit
Cet amour qui faisait peur aux autres
Qui les faisait parler, qui les faisait blêmir
Cet amour guetté
Parce que nous le guettions
Traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Parce que nous l’avons traqué blessé piétiné achevé nié oublié
Cet amour tout entier
Si vivant encore
Et tout ensoleillé
C’est le tien
C’est le mien
Celui qui a été
Cette chose toujours nouvelle
Et qui n’a pas changé
Aussi vrai qu’une plante
Aussi tremblante qu’un oiseau
Aussi chaude aussi vivant que l’été
Nous pouvons tous les deux
Aller et revenir
Nous pouvons oublier
Et puis nous rendormir
Nous réveiller souffrir vieillir
Nous endormir encore
Rêver à la mort,
Nous éveiller sourire et rire
Et rajeunir
Notre amour reste là
Têtu comme une bourrique
Vivant comme le désir
Cruel comme la mémoire
Bête comme les regrets
Tendre comme le souvenir
Froid comme le marbre
Beau comme le jour
Fragile comme un enfant
Il nous regarde en souriant
Et il nous parle sans rien dire
Et moi je l’écoute en tremblant
Et je crie
Je crie pour toi
Je crie pour moi
Je te supplie
Pour toi pour moi et pour tous ceux qui s’aiment
Et qui se sont aimés
Oui je lui crie
Pour toi pour moi et pour tous les autres
Que je ne connais pas
Reste là
Là où tu es
Là où tu étais autrefois
Reste là
Ne bouge pas
Ne t’en va pas
Nous qui sommes aimés
Nous t’avons oublié
Toi ne nous oublie pas
Nous n’avions que toi sur la terre
Ne nous laisse pas devenir froids
Beaucoup plus loin toujours
Et n’importe où
Donne-nous signe de vie
Beaucoup plus tard au coin d’un bois
Dans la forêt de la mémoire
Surgis soudain
Tends-nous la main
Et sauve-nous.

Jacques Prévert


Peinture : Alfred Gockel

9 commentaires:

  1. Comme il est beau ce tableau qui soutient le cri de prévert, qui le complète et le réhausse.
    Tu as bon goût Françoise, je craque pour lui, sa ligne, sa lumière, son originalité et l'amour qui s'en dégage.
    Merci ma Françoise pour tes visites ce soir, pour cette douce compagnie que tu m'offres.
    Je t'embrasse très fort

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  2. Jacques Prévert a tout dit !
    La peinture est trés symbolique et a de jolies couleurs...
    Merci Francoise!
    Petite caresse amicale, sur ta main!
    Bisous

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  3. Quel bel amour dont on rêve toujours! Mais ce texte est très rassurant, il nous rappelle que même si l'amour nos quitte un temps, nous ne sommes jamais à l'abri de le rencontrer un jour, de nouveau, a détour d'un chemin.. c'est ce que je ressens en lisant ce texte plein d'optimisme, de douceur et d'espoir...
    Comme l'amour inspire! C'est fou!
    Je t'embrasse en passant chère Françoise

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  4. Bonjour Françoise
    Je ne connaissais pas ce texte de Prévert, je le trouve magnifique!! vraiment. Le tableau, quant à lui j'en ferais bien l'acquisition. Merci Françoise pour ces belles choses
    merci aussi pour le compliment sur mon blog et pour tes passages
    Je te souhaite une agréable journée, bisous
    Chantal

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  5. Et je crie, et je crie... oui c'est ce qu'on pourrait appeler le cri du coeur... Malheureusement les éléments parfois violents empêchent le cri de s'envoler et de rejoindre celle qu'il appelle de toutes ses forces...

    Et puis aussi, parfois, le coeur peut rester sourd car il s'est cloîtré derrière un mur pour ne plus saigner...

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  6. Whouah! Superbe poème, moi qui aime tant Prévert

    Et l'amour déchiré aussi d'ailleurs, mais bon, c'est en secret.... Chut.

    J'espère que tu vas bien, toute bronzée sur cette nouvelle photo. C'est cool..

    Je te souhaite une belle soirée, je t'embrasse.

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  7. Je suis ravie que ce poème de Prévert et cette peinture d'Alfred Gockel vous aient plu !
    Belle journée à vous tous.
    Je vous embrasse.

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  8. halala ! trop beau ce poème
    et l'image que tu as choisis.
    merci, gros bisous.
    Nat.

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  9. Gros bisous, Nat. Belle journée à toi.

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Laissez moi des petits mots,
j'aime tant les lire... :-)

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FEMMES ET HOMMES

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents,
Ne vous laissez pas attacher,
ne permettez pas qu'on fasse sur vous des rêves impossibles...
On est en Amour avec vous tant que vous correspondez au rêve que l'on a fait sur vous,
alors le fleuve Amour coule tranquille,
les jours sont heureux sous les marronniers mauves,
Mais s'il vous arrive de ne plus être ce personnage qui marchait dans le rêve,
alors soufflent les vents contraires,
le bateau tangue, la voile se déchire,
on met les canots à la mer,
les mots d'Amour deviennent des mots-couteaux qu'on vous enfonce dans le coeur.
La personne qui hier vous chérissait vous hait aujourd'hui;
La personne qui avait une si belle oreille pour vous écouter pleurer et rire
ne peut plus supporter le son de votre voix.
Plus rien n'est négociable
On a jeté votre valise par la fenêtre,
Il pleut et vous remontez la rue dans votre pardessus noir,
Est-ce aimer que de vouloir que l'autre quitte sa propre route et son propre voyage?
Est-ce aimer que d'enfermer l'autre dans la prison de son propre rêve?

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
ne vous laissez pas rêver par quelqu'un d'autre que vous même
Chacun a son chemin qu'il est seul parfois à comprendre.
Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent,
Si nous pouvions être d'abord toutes et tous et avant tout et premièrement des amants de la vie,
alors nous ne serions plus ces éternels questionneurs,
Ces éternels mendiants qui perdent tant d'énergie
et tant de temps à attendre des autres des signes,
des baisers, de la reconnaissance
Si nous étions avant tout et premièrement des amants de la vie,
Tout nous serait cadeau
Nous ne serions jamais déçus
On ne peut se permettre de rêver que sur soi-même
Moi seul connais le chemin qui conduit au bout de mon chemin
Chacun est dans sa vie
et dans sa peau...
A chacun sa texture
son message et ses mots

Julos Beaucarne