lundi 14 janvier 2008

Le gardeur de troupeaux (extraits)

Mon regard est net comme un tournesol.
J’ai l’habitude d’aller par les chemins,
jetant les yeux de droite et de gauche,
mais en arrière aussi de temps en temps…
Et ce que je vois à chaque instant
est-ce que jamais auparavant je n’avais vu,
de quoi j’ai conscience parfaitement.
Je sais éprouver l’ébahissement
de l’enfant qui, dès sa naissance,
s’aviserait qu’il est né vraiment…
Je me sens né à chaque instant
à l’éternelle nouveauté du Monde…

Je crois au monde comme à une pâquerette,
parce que je le vois. Mais je ne pense pas à lui
parce que penser c’est ne pas comprendre…
Le Monde ne s’est pas fait pour que nous pensions à lui
(penser c’est avoir mal aux yeux)
mais pour que nous le regardions avec un sentiment d’accord…

Moi je n’ai pas de philosophie : j’ai des sens…
Si je parle de la Nature, ce n’est pas que je sache ce qu’elle est,
mais parce que je l’aime, et je l’aime pour cette raison
que celui qui aime ne sait jamais ce qu’il aime,
ni ne sait pourquoi il aime, ni ce que c’est qu’aimer…

Aimer, c’est l’innocence éternelle,
et l’unique innocence est de ne pas penser.

Fernando Pessoa

5 commentaires:

  1. Là, franchement tu me prends par les sentiments en me mettant sous les yeux ces pépites du grand poète du Portugal! je l'avais presque oublié ce poème avec lequel j'avais ouvert l'un de mes premiers blogs (feu "Maboul")...
    Ma joie est grande de le relire chez toi!
    Merci!
    too banal

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  2. J'aime ce poème et ce poète depuis longtemps alors je ne peux qu'apprécier de le retrouver posté sur ton blog
    Une merveille !
    Bonne journée Fraçounette et merci pour tes mots laissés sur mon blog

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  3. Eh bien, on est au moins trois heureux ce matin !...
    Merci à vous deux Too banal et Lysounette, je suis ravie de vous faire plaisir.
    Bises à vous deux.

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  4. nous sommes qutre heureux ,ma françoise , tu m'exusera du retard, les deux derniers vers me plaisent beaucoup, et je t'avoue que je n'avais pas une idée sur ce poète.merci de me le faire découvrir bonne et douce journée

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  5. Je suis heureuse que ce poème te plaise aussi ma Moghrama.
    Cette phrase : Aimer, c’est l’innocence éternelle, et l’unique innocence est de ne pas penser, je l'ai eue aussi comme signature pendant longtemps sur un forum, j'aime beaucoup ces mots.
    Belle journée à toi, ma belle. Moi, je file bosser...

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Laissez moi des petits mots,
j'aime tant les lire... :-)

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FEMMES ET HOMMES

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents,
Ne vous laissez pas attacher,
ne permettez pas qu'on fasse sur vous des rêves impossibles...
On est en Amour avec vous tant que vous correspondez au rêve que l'on a fait sur vous,
alors le fleuve Amour coule tranquille,
les jours sont heureux sous les marronniers mauves,
Mais s'il vous arrive de ne plus être ce personnage qui marchait dans le rêve,
alors soufflent les vents contraires,
le bateau tangue, la voile se déchire,
on met les canots à la mer,
les mots d'Amour deviennent des mots-couteaux qu'on vous enfonce dans le coeur.
La personne qui hier vous chérissait vous hait aujourd'hui;
La personne qui avait une si belle oreille pour vous écouter pleurer et rire
ne peut plus supporter le son de votre voix.
Plus rien n'est négociable
On a jeté votre valise par la fenêtre,
Il pleut et vous remontez la rue dans votre pardessus noir,
Est-ce aimer que de vouloir que l'autre quitte sa propre route et son propre voyage?
Est-ce aimer que d'enfermer l'autre dans la prison de son propre rêve?

Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent
Qui tissez des tissus de mots au bout de vos dents
ne vous laissez pas rêver par quelqu'un d'autre que vous même
Chacun a son chemin qu'il est seul parfois à comprendre.
Femmes et hommes de la texture de la parole et du vent,
Si nous pouvions être d'abord toutes et tous et avant tout et premièrement des amants de la vie,
alors nous ne serions plus ces éternels questionneurs,
Ces éternels mendiants qui perdent tant d'énergie
et tant de temps à attendre des autres des signes,
des baisers, de la reconnaissance
Si nous étions avant tout et premièrement des amants de la vie,
Tout nous serait cadeau
Nous ne serions jamais déçus
On ne peut se permettre de rêver que sur soi-même
Moi seul connais le chemin qui conduit au bout de mon chemin
Chacun est dans sa vie
et dans sa peau...
A chacun sa texture
son message et ses mots

Julos Beaucarne